SAMER R. ZOUGHAIB : DAECH, L'ENFANT MONSTRUEUX D'AL-QAÏDA

Publié le par Tourtaux

 
   
 
Par Samer R. Zoughaib

L'offensive fulgurante de l'«Etat islamique en Irak et au Levant» (EIIL, ou Daech) contre la ville de Mossoul a pris de court aussi bien le gouvernement irakien que de nombreux observateurs. Si la chute rapide de la deuxième ville d'Irak aux mains des extrémistes a mis en évidence les nombreuses lacunes au niveau du pouvoir irakien, elle a surtout montré que Daech a bénéficié de complicités au sein de l'armée et des services de sécurité et d'un appui régional. L'organisation dispose également d'importants moyens financiers et d'un armement moderne, étoffé par la saisie du matériel militaire, dont des chars et des pièces d'artillerie, abandonnés par les unités irakiennes en déroute.
Encore sous l'effet de la surprise, les experts s'interrogent sur les capacités réelle de l'EIIL. Certes, cette organisation a pu intégrer dans ses rangs des milliers de combattants étrangers, attirés par sa rhétorique extrémiste et sectaire. Ils viennent de Tchétchénie, du Daghestan, d'Afghanistan, du Pakistan, de pays européens et arabes. Mais elle n'aurait pas réussi à progresser aussi vite si elle n'avait pas jouit d'un soutien local.

 

Alliance avec le Baas


Aujourd'hui, les informations en provenance du terrain, et les témoignages recueillis par lesDaech, l’enfant monstrueux d’Al-Qaïda journalistes, ne laissent plus l'ombre d'un doute sur la coopération entre Daech et d'anciens officiers de l'armée de Saddam Hussein et d'ex-responsables du parti Baas dissous. Le journaliste français d'origine irakienne, Feurat Alani, évoque «une alliance contre nature entre le Baas et les jihadistes». Selon lui, «la conquête de Mossoul s'est faite avec des membres de l'ancienne armée irakienne. C'est cette dernière qui aurait conseillé de prendre l'aéroport de Mossoul, le siège de la télévision locale et le gouvernorat», explique un témoin cité par le journaliste.
Des membres de tribus et d'anciens groupes d'insurgés comme «l'Armée islamique en Irak» et le groupe des Naqshabandi, d'inspiration soufie et dirigé par Ezzat Ibrahim Al Douri -l'ancien bras droit de Saddam Hussein- collaboreraient avec l'EIIL, ajoute Feurat Alani. De nombreux témoignages en provenance de Mossoul indiquent que drapeaux noirs de l'EIIL ont été hissés sur les toits de commissariats et sur les différents postes abandonnés par l'armée irakienne, «mais à l'entrée de la ville, des portraits de Saddam Hussein et d'Ezzat Ibrahim Al-Douri surplombent Mossoul». Un nouveau gouverneur aurait même été nommé, ce serait Azhar Al-Obeidi, un ancien général de l'armée irakienne. Selon un expert militaire de Mossoul, cité par le journaliste, la prise de la ville «n'aurait pas pu se faire sans l'expertise des anciens officiers irakiens que l'EIIL aurait récemment recrutés».
L'EIIL aurait également bénéficié du soutien de certaines tribus proches de l'Arabie saoudite, dont les membres sont venus grossir, dernièrement, les rangs de l'organisation, dirigée par Abou Bakr al-Bagdadi. L'on sait peu de chose de cet homme, sinon qu'il aurait rejoint très tôt les rangs des salafistes irakiens, bien avant l'invasion américaine de l'Irak, en 2003, révèle Michael Knights, spécialiste de l'Irak à l'Institut de Washington.
Nommé «émir de Rawah» par le Jordanien Abou Missaab al-Zarkaoui, alors chef d'Al-Qaïda en Irak, il dirige les «tribunaux islamiques» qui sèmeront la terreur en exécutant des partisans du gouvernement irakien. Al-Bagdadi est arrêté en 2005 par les forces américaines, est envoyé dans le camp de détention de Bucca, d'où il est finalement relâché, quatre ans plus tard, pour une raison encore inexpliquée.

 

L'argent coule à flot


Les importants moyens financiers de Daech lui ont permis d'acheter l'allégeance de nombreux chefs de tribus et la complicité d'officiers de l'armée. En effet, l'argent coule à flot dans les caisses de l'organisation extrémiste. La première source de financement est le rançonnage, les rapts et le pillage, selon le Times britannique. Mais il y a aussi les revenus tirés du trafic du pétrole extrait des champs contrôlés par l'EIIL, dans les provinces de Deir Ezzor, Raqqa et Hassaka, dans l'Est syrien. Ces revenus sont estimés à 8 millions de dollars par mois. Le même journal ajoute que la ville de Mossoul et sa province Ninive, assurent un million de dollars par mois. L'EIIL recevrait aussi d'importantes contributions et donations de prédicateurs et de cheikhs extrémistes de pays du Golfe, plus particulièrement d'Arabie saoudite.
Daech est considéré par les experts comme l'enfant monstrueux d'Al-Qaïda, qu'il a récemment accusé d'avoir «dévié de la ligne tracée par Oussama Ben Laden». Le porte-parole de l'organisation, Abou Mohammad al-Adnani, s'est d'ailleurs livré à une polémique avec le chef d'Al-Qaïda, Ayman al-Zawahiri, à qui il a adressé de vives critiques, ces dernières semaines.
Le discours de l'EIIL à l'égard des minorités musulmanes et chrétiennes est extrêmement obscurantiste et rétrograde. Elles ne jouissent d'aucun droit et leurs lieux de culte sont systématiquement détruits ou réquisitionnés, pour être transformés en casernes ou permanences. Même les mausolées érigés à la mémoire des Compagnons du Prophète, pourtant vénérés par la plupart des sunnites, sont rasés.
L'EIIL n'a jamais mené une seule action contre les «Israéliens», et la Palestine est absente de leur rhétorique et de leur littérature.
Tout en prétendant être de pieux musulmans, les membres de l'EIIL, de par leurs agissements, offrent une image dénaturée de l'islam authentique: exécutions de prisonniers; torture; viols, pillages... Leurs cibles privilégiées sont les civils, chiites et sunnites. Ils multiplient les attaques contre les lieux de culte chiites, y compris les sites les plus sacrés, comme les mausolées des deux Imams, à Samorra, détruits en 2006, dans l'espoir de provoquer une guerre sectaire.
L'exacerbation des tensions entre sunnites et chiites constitue donc leur principal objectif. Cette attitude s'inscrit, sur le plan régional, dans le cadre de la stratégie saoudienne. A cet égard, les experts affirment que l'organisation est soumise à de multiples influences régionales, y compris saoudiennes, tout en conservant une dynamique qui lui est propre.
C'est, en quelque sorte, un monstre, qui n'hésitera pas à dévorer son propre maitre à un certain moment, et qui est obsédé par une seule idée: l'instauration d'un califat, même sur les cadavres de millions de musulmans. 

Source : French.alahednews

14-06-2014 | 13:01

Publié dans Fascisme

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