RESISTANCE POLITIQUE : A PROPOS DE L'ABSTENTION AUX ELECTIONS EUROPEENNES...

Publié le par Tourtaux

Samedi 31 mai 2014  

A voté Lorsque 60 % des adultes en France décident de ne pas aller voter, c’est le phénomène politique clé du scrutin. On parle en effet de 60 % de 43 millions d’inscrits. Auxquels il faut ajouter au moins trois millions de gens qui ne se sont jamais inscrits sur les listes électorales. Il s’agit donc de près de 30 millions de français de plus de 18 ans. Cela fait une sacrée majorité !

 

Ces « non-électeurs » ont-ils choisi de ne pas voter, ou leur non-participation est-elle le fruit du hasard ? Les spécialistes du sondage doivent le reconnaître : quand on parle des ouvriers et des employés, on atteint 70 % d’abstention ; quand on parle des cadres moyens et supérieurs, l’abstention baisse à 50 % ! Ne pas aller voter aux européennes est donc bien une attitude de classe sociale !

 

La conséquence est que le parlement européen, qui de toute façon ne parlemente pas beaucoup (puisque c’est le lobby du capital, la commission européenne, qui lui dit ce qu’il doit faire), est illégitime pour l’écrasante majorité de la population. Et je ne vous parle même pas de la Guadeloupe qui s’est abstenue à plus de 90 % ! La lutte de classe, ils nous ont déjà montré qu’ils savaient ce que ça voulait dire !

 

Essayons de comprendre les raisons des abstentionnistes…

 

D’abord, il est facile de remarquer que toutes les listes qui sollicitaient les suffrages des électeurs étaient toutes favorables à l’Europe (y compris, d’ailleurs le Front national, qui ne cherche pas à sortir de l’Europe, mais à renégocier les traités). Or, l’expérience concrète de quelques dizaines d’années de « construction » européenne montre bien que l’Europe est contre les ouvriers et les employés ; elle est pour la baisse des salaires et des pensions, contre les services publics, pour le chômage de masse, pour la concurrence entre les ouvriers des différents pays, et pour les revenus fantastiques du capital.

 

C’est cette expérience concrète qui s’exprime dans l’abstention. Et c’est pour cette raison qu’elle est le phénomène majeur de ce scrutin, parce qu’il faut le reconnaître : ce sont les abstentionnistes qui ont raison, et uniquement eux… Pas ceux qui prétendent « changer l’Europe », mais qui la soutiennent dans la réalité des faits en allant voter dans les urnes du capital !

 

C’est tellement vrai que le capital dominant, organisateur du scrutin et de ces débats, a fait des pieds et des mains pour minimiser autant que faire se peut l’abstention. On a vu deux méthodes à l’œuvre.

 

D’abord, la multiplication des listes. En général, on nous explique qu’il faut limiter le phénomène, parce que ça complique le scrutin, et que c’est malsain. Eh bien là, pas du tout : une trentaine de listes ont pu concourir ! Au final, trois listes sont au-dessus de 15 points, 8 entre 15 et 1 point. Toutes les autres (une vingtaine donc) sont en-dessous de 1 point ! Ah, mais c’est qu’il fallait ratisser large ! Le message était clair : vous n’allez tout de même pas vous abstenir quand vous avez un tel choix !

 

Petite remarque : la seule liste, à notre connaissance, qui avait comme mot d’ordre « sortir de l’Europe », l’UPR, s’est précipité dans le piège. Elle a dû certainement y laisser ses économies pour faire moins de 0,5 % et avoir 1 minute et 30 secondes de « présence médiatique » ! Flattée d’avoir réuni 77.000 électeurs (sur 43 millions…), elle n’est pas inquiète d’avoir pris à contre-pied « la France profonde » d’abstentionnistes ! Bien joué les gars !

 

Mais la lutte contre l’abstention s’est surtout jouée sur la promotion du Front national. Présenté par nos médias comme le champion de l’opposition à l’Europe (ce qui n’est d’ailleurs pas vrai, mais où est le problème ? Quitte à mentir, autant ne pas faiblir !), sa « présence médiatique » a été large et profonde. On peut d’ailleurs supposer qu’en effet, un certain nombre de personnes, et parmi lesquelles des ouvriers et des employés, réellement hostiles à l’Europe, mais encore attachées au système, ont choisi de voter FN. Tout le monde ne peut pas être au même niveau politique. Il y a toujours des traînards… La presse a pu ainsi se flatter que l’abstention n’avait pas progressé ce coup-ci, et qu’on était un peu en-dessous de l’abstention des précédentes européennes. «  Et y sont contents… ». 

 

Mais le véritable enjeu est là : s’abstenir ou ne pas s’abstenir, c’est soutenir ou ne pas soutenir le régime et ses modes de régulation qu’on peut bien qualifier de pourris ! Les bonnes âmes remarquent, doctement, que s’abstenir ne fait pas un programme. Naturellement. Mais ne pas voter, c’est ne pas participer à l’abrutissement médiatique. C’est aussi ne pas se poser les mauvaises questions et ainsi, se préparer aux bonnes réponses !

 

Est-ce si tordu, ce que je dis-là ? Pas tant que ça, car on a une référence historique magistrale.  Au milieu du XVIIIème siècle, les historiens remarquent deux choses. D’une part, la moitié de la population commence à savoir lire et écrire, c’est-à-dire que la communication n’est plus exclusivement orale ; et d’autre part, on constate une forte déchristianisation. Concrètement, dans les campagnes, les gens ne vont plus à la messe.

 

Or, le pouvoir royal de l’époque, basé sur la propriété foncière, était évidemment d’une très grande injustice : l’immense majorité des paysans travaillaient à en mourir pour que quelques nobles gaspillent l’argent qu’ils leur extorquaient ! Comment ce système pouvait-il survivre une seule journée ? Tout simplement grâce à l’Église, entièrement dans les mains des féodaux, et qui avait la fonction de faire accepter cette injustice ! Priez mes frères et ne râlez pas, le paradis est pour vous ! Ne plus aller à la messe n’était pas un programme bien sûr, mais c’était essentiel parce qu’ainsi, les paysans se soustrayaient à l’influence du clergé. Ils étaient ainsi disponibles pour des idées nouvelles. Les épis étaient mûrs pour la Révolution française.

 

Le parallèle avec l’abstention est raisonnable. Parce que nous vivons une immense injustice : le travail de la majorité de la population, méprisée et exploitée, est dilapidée par une poignée d’accapareurs. Comment cette injustice peut-elle se prolonger ne serait-ce que d’un jour ? Parce que nous sommes convaincus que c’est nous qui désignons, démocratiquement, nos dirigeants ! Rien n’est plus faux : que tu votes à gauche ou que tu votes à droite, ce sont toujours les mêmes qui gagnent ! Voilà pourquoi s’abstenir aux européennes, c’est faire le bon choix. Un choix d’avenir…

 

D.R.

 

Publié dans Lutte des classes

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T
OUI bien sûr que le capitalisme creuse sa tombe et je vais te dire comment de mon humble point de vue.<br /> C'est avec leurs milliers de bombes qu'ils déversent sur les peuples, les massacres et viols de populations innocentes. C'est ainsi que l'empire US creuse sa tombe en se faisant haïr des peuples en<br /> grande souffrance qu'il assassine.<br /> C'est vrai que la prise de conscience absente pour l'instant, notamment en Europe, se fait attendre mais elle se fait actuellement à l'envers, puisque les petites gens jouent la carte fasciste<br /> mais, ils ne sont pas responsables de ce qui leur arrive, de ce qui nous arrive.<br /> Les responsables sont dans les hautes sphères syndicales et politiques dites de "gauche".<br /> Les voilà les salopards qui laissent pourrir une situation catastrophique pour les plus défavorisés alors que la mission que leur ont confiés leurs mandants est d'organiser les luttes au lieu de<br /> démobiliser les gens.<br /> On va manifester le 3 juin pour défendre les retraites mais cette manif qui ne dérangera pas le MEDEF et tous les nantis du pays, n'est pas à la hauteur des enjeux qui nécessitent une riposte<br /> massive et d'urgence des masses laborieuses.<br /> Nos ainés ont lutté, certains en sont morts, nous avons lutté et voilà que tout fout le camp parce que nous avons des bras morts à la tête de nos organisations.<br /> Souvent, je me dit : quelle triste vieillesse on va avoir, nous allons crever comme des chiens.<br /> Voilà ce qui nous attend si on reste l'arme au pied.
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T
Cyrille Ferro-steyaert Jacques, nous ne verrons peut-être pas nous-mêmes les changements. Il faut des années pour que les consciences changent. Je suis personnellement convaincu que le capitalisme<br /> creuse sa propre tombe...
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T
J'aimerais que tu puisses avoir raison pour les petites mains mais j'en doute lorsque je vois des débats où on n'avance pas concernant la mascarade du 25 MAI, l'abandon des fondamentaux et la mise<br /> au rebut du drapeau rouge alors qu'il faudrait se battre avec sous nos couleurs, etc...
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T
Salut Cyrille, ras le bol de ce cirque tous les soirs. Impossible de travailler dans de telles conditions de stress.<br /> C'est curieux, tout redevient normal vers cette heure-ci et pourquoi à ton avis? Tout simplement pour saboter le travail quotidien d'un militant qui dérange et ça fait plus d'un mois que ça<br /> dure.<br /> Cela passe par la quasi impossibilité de converser en mp, de commenter, de mettre des j'aime et à cela s'ajoute une lenteur désespérante.
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T
Cyrille Ferro-steyaert : Un grand merci, Jacques, pour tout ce que tu fais. Dis-moi que les milliers de petites graines semées ici et là germeront bien un jour ou l'autre. Fraternelles salutations,<br /> camarade.
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